La société à finalité sociale et ses caractéristiques
Le nouveau code des sociétés introduit par la loi du 23 mars 2019 ne reprends plus la possibilité de créer une société à finalité sociale.
1. Généralités
La société à finalité sociale (SFS) a été créée par la loi du 13 avril 1995. Le point de départ de cette nouvelle forme de société était de faire la distinction entre une société et une association. Il existe des entreprises actives dans l’économie sociale qu’il est difficile de caser dans l’une de ces deux catégories. Bien qu’il n’existe pas de définition générale de ce qu’est l’économie sociale, l’on part du principe que les entreprises qui en relèvent présentent toujours deux caractéristiques : elles doivent, d’une part, appliquer un système de prise de décision démocratique et, d’autre part, viser la prestation de services aux membres ou à la communauté plutôt que la réalisation de bénéfices.
La SFS offre une alternative à l’ASBL qui ne peut avoir de but lucratif et à la société traditionnelle qui a pour objet la distribution de bénéfices. Les associés de la SFS ne peuvent recevoir qu’un avantage patrimonial (direct ou indirect) limité, en d’autres termes, la SFS ne peut avoir comme objet principal la répartition de bénéfices.
La grande nouveauté réside en ce que la SFS, contrairement à l’ASBL, peut effectuer des opérations commerciales, à la condition qu’elles s’inscrivent dans le but, à caractère social, de la société. Cette forme de société permet également d’agir et de se manifester plus aisément dans la vie économique et sociale. Elle constitue en outre une société à part entière qui, comme toute autre société, dispose d’un capital protégé, ce qui offre une certaine garantie aux créanciers.
La SFS peut être constituée sous la forme d’une SA, d’une SPRL, d’une SCRL, d’une SNC, d’une SCS, d’une SCA ou d’une SCRI. Il ne s’agit donc pas d’une forme de société distincte.
La société commerciale constituée sous la forme d’une SCRL par exemple, peut toujours être transformée en une SFS et inversement. Bien que le Code des sociétés ne contienne aucune réglementation explicite en la matière, l’on part généralement du principe qu’une société existante peut être transformée en SFS par une modification de ses statuts et moyennant le respect des règles en matière de modification de l’objet social.
Nous constatons, dans la loi instaurant la SFS, que la SCRL est la forme la plus encouragée par le législateur pour adopter un objet social, puisqu’il prévoit un régime spécial, à savoir une réduction du plancher de souscription et de libération du capital fixe, respectivement à 6.150 (au lieu de 18.550 euros) et 2.500 euros (au lieu de 6.200 euros). La structure de la SFS peut en outre contribuer à une optimisation fiscale.
Une analyse de cette forme de société montre clairement qu’une grande majorité de SFS (environ 73 %) sont constituées sous la forme d’une SCRL. Le processus décisionnel démocratique, la gestion autonome et le dividende limité sur les parts sont autant d’avantages de cette forme de société. La facilité d’accès et de retrait des associés au capital, principalement du fait de la faculté de modifier le capital fixe et variable sans devoir modifier les statuts, offre une grande souplesse. L’augmentation de capital de tout autre type de société entraîne des coûts.
2. Caractéristiques de la société à finalité sociale
La loi impose plusieurs conditions et obligations qu’une société doit respecter pour pouvoir adopter la forme d’une SFS. Ces obligations ont entre autres pour but de rendre l’utilisation de la SFS en tant que modalité et les conséquences qui y sont liées, univoques et clairement visibles. Le législateur souhaitait par ailleurs, par ces caractéristiques, faire clairement primer l’objectif d’affectation des bénéfices, qui caractérise la SFS, sur l’objectif de répartition des bénéfices. Cet objectif d’affectation des bénéfices implique que chacun des associés servira l’objet précisé dans les statuts ainsi que l’objet social que chacun d’eux estime de toute évidence important.
2.1. Objet social
En vertu de l’article 661, 2° C.soc., les statuts doivent définir précisément le but social de la SFS, conformément à son objet. Il y a donc d’une part les activités concrètes de l’entreprise et, d’autre part, l’objectif sous-jacent ou l’objet social. Ce dernier n’est pas expressément défini par le législateur. Celui-ci s’est contenté de décrire l’objet social de façon négative, de manière à accorder aux fondateurs une liberté suffisante et à n’exclure préalablement aucune activité. Cette liberté ne profite toutefois pas à la sécurité juridique. L’objet social est défini par la doctrine, inspirée en cela par les documents parlementaires, comme tout ce qui est directement ou indirectement favorable à la communauté.
Les statuts de la SFS doivent en outre stipuler que les associés ne visent pas d’avantage patrimonial ou seulement un avantage limité.
2.2. Affectation des bénéfices
En vertu de l’article 661, 3° C.soc., les associés s’obligent à définir statutairement la manière dont les bénéfices éventuels seront affectés, conformément à l’objet interne et externe de la société. Les associés pourront donc décider, si la société génère des bénéfices, de procéder à une distribution de bénéfices aux associés. Cette distribution ne peut toutefois en aucun cas être supérieure au dividende maximum fixé par le Roi concernant les sociétés reconnues. Si un solde positif subsiste après liquidation, il ne peut être distribué aux associés, il doit être affecté de manière à se rapprocher autant que possible de l’objet social de la société.
2.3. Participation des travailleurs
Les associés doivent fixer dans les statuts les règles en vertu desquelles chaque travailleur doit se voir offrir la possibilité de devenir associé dans un délai d’un an à compter de son arrivée au sein de la société. De cette manière, la SFS est la seuls forme de société pour laquelle la participation des travailleurs est définie par la loi.
Cette obligation de participation découle de l’idée que les entreprises qui relèvent de l’économie sociale estiment que le processus décisionnel démocratique revêt une importance primordiale. Si la SFS n’adopte pas la forme d’une société coopérative, quelques problèmes pratiques se posent pour l’entrée et la sortie d’associés, par exemple le départ d’un membre du personnel d’une SA-SFS ou SPRL-SFS, qui implique la recherche d’un repreneur pour les parts concernées.
Si les intentions du législateur, par l’adoption de cette réglementation, étaient principalement la participation sociale des travailleurs, l’incertitude, son élaboration sur la base de principes erronés (participation financière plutôt que sociale) et la possibilité d’abus, poussent certains juristes à la conclusion que la participation des travailleurs, l’une des principales caractéristiques de la SFS, est un échec.
2.4. Limitation du droit de vote
En vertu de l’article 661, 4° C.soc., le droit de vote est limité en ce sens que les statuts doivent préciser que nul ne peut prendre part au vote pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts représentées.
2.5. Rapport particulier
Les administrateurs de la SFS devront rédiger chaque année un rapport particulier concernant la façon dont la société a contrôlé son objet tel que définit dans ses statuts. Ce rapport doit mentionner les investissements, frais de fonctionnement, rémunérations et autres destinés à favoriser la réalisation de l’objet social. L’absence ou la rédaction incorrecte de ce rapport peut mettre en cause la responsabilité solidaire des administrateurs pour tout dommage causé par une infraction aux dispositions légales et statutaires en la matière. L’objectif du législateur était en l’occurrence d’éviter que des bénéfices ne soient distribués aux associés par des voies détournées, mais aussi de vérifier que la société ne soit pas utilisée à des fins illicites.
2.6. Mécanismes de sanction particuliers
Comme indiqué précédemment, les réserves existantes doivent être affectées d’une façon qui se rapproche autant que possible de l’objet social de la société. Le non-respect de cette règle peut entraîner le paiement à titre solidaire par les administrateurs, conformément à l’article 663 C.soc., des sommes erronément distribuées ou la réparation des conséquences du non-respect des exigences posées en matière d’affectation des réserves. La loi impose donc aux administrateurs de la SFS une responsabilité accrue au regard des sociétés ordinaires.
L’article 667 C.soc. permet en outre aux associés, à des tiers intéressés et au Ministère public, de surveiller étroitement la spécialité, c’est-à-dire l’objet social de la SFS. Une société qui se présente sur le marché comme une SFS, mais qui n’intègre pas dans ses statuts l’ensemble des mentions obligatoires, peut être dissoute par voie judiciaire. À l’inverse, une SFS qui a intégré toutes les obligations légales dans ses statuts, mais qui dans la pratique ne respecte pas ces règles, peut subir le même sort.
3. Qualification fiscale de la société à finalité sociale
Bien que l’impôt des personnes morales et celui des sociétés soient tous deux des impôts sur le revenu, leur nature et leur domaine d’application sont fondamentalement différents. Ainsi, l’impôt des sociétés est un impôt global sur le bénéfice en vertu duquel le bénéfice réalisé par l’entreprise concernée, tel qu’il ressort de la comptabilité et après diverses adaptations fiscales, est, de manière générale, imposé de façon globale. En revanche, l’impôt des personnes morales est un impôt analytique, ce qui signifie que seuls les revenus énumérés limitativement sont imposables.
La SFS n’est pas soumise à un régime fiscal particulier. Par conséquent, elle est en principe soumise aux règles habituelles en matière de définition de l’applicabilité de l’impôt des sociétés ou des personnes morales.
Dans une publication au Moniteur belge, l’administration a indiqué que la SFS est en principe soumise à l’impôt des sociétés. Une SFS peut cependant être soumise à l’impôt des personnes morales, si les statuts excluent toute attribution de dividende et qu’elle exerce exclusivement des activités dont l’exercice par des ASBL et autres personnes morales sans but lucratif permet l’application de l’impôt des personnes morales.
Ce règlement administratif a toutefois donné naissance à un cadre incertain. Les critères appliqués pour savoir si une personne morale doit être soumise ou pas à l’impôt des personnes morales, ne se distinguent pas par leur clarté et donnent lieu à de nombreuses discussions dans la pratique.
Il convient de se poser une autre question en ce qui concerne la déductibilité fiscale de certains frais qui seront consentis par une SFS dans le cadre de son objet social. La commission de ruling affirme à cet égard que ces dépenses se situent en effet dans la sphère des opérations non-économiques, mais qu’elles se justifient au regard du but et de l’objet social de la SFS. La commission de ruling semble faire preuve en la matière d’une souplesse égale pour les SFS et les ASBL qui sont soumises à l’impôt des sociétés. Cette approche semble justifiée puisqu’elle permet d’éviter qu’une SFS soit traitée autrement qu’une ASBL soumise à l’impôt des sociétés. Hélas, cette affirmation n’est étayée par aucune base légale qui aurait le double avantage d’être claire et de garantir la sécurité juridique.
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